Tranche de vie : de l’urgence de ralentir
Faites ce que je dis, pas ce que je fais
Lorsque j’ai commencé à rédiger cet article, j’ai ressenti une dissonance cognitive : je recommande à mes lecteur∙ice∙s de ralentir, mais moi, est-ce que je m’applique ce précieux conseil ? Oui … non … mouais … enfin ça dépend … un peu quoi !
Je suis neuroatypique et j’ai des ressources plus limitées que si je ne l’étais pas. Mobiliser mes fonctions exécutives m’épuise. Gérer les stimuli sensoriels également. Entre autres.
Ces derniers temps, j’ai beaucoup travaillé pour développer mon activité et atteindre les objectifs que je m’étais fixés. Résultat : je suis régulièrement en « surcharge » cognitive ou sensorielle. Cela se manifeste par un état physiologique que je décrirais ainsi : céphalées de tension, douleurs au niveau des yeux et de la mâchoire, tensions au niveau du cou, de la nuque et de la gorge, nausées, forte baisse d’énergie, sensibilité accrue sur les plans sensoriel et émotionnel. Il s’agit d’un état de stress physiologique qui m’empêche littéralement de poursuivre la tâche en cours et m’oblige à me reposer et/ou à utiliser différentes stratégies pour « redescendre ».
Quand l’ego s’en mêle
Pendant longtemps, j’ai vu ces états de « surcharge » comme un problème à résoudre. J’ai cherché de nombreux moyens de les prévenir, de les éviter, de les faire disparaître de mon expérience. Je suis aussi très souvent allé au-delà (à la force de mon mental) afin de terminer ma tâche en cours, parce qu’il « le fallait » (selon moi), aggravant mon état au point de le payer par une incapacité à faire quoi que ce soit pendant des heures, des jours, voire des mois (je fais référence ici à mon burn-out). J’aurais voulu que ces états n’existent pas pour pouvoir faire aisément ce que je voulais faire, sans être limité.
Alors qu’en fait, cet état de surcharge n’est pas un problème, mais un précieux signal d’alerte. Mes ressources sont limitées, point. Je dois simplement faire avec les ressources dont je dispose.
Se responsabiliser pour changer le monde
Vouloir supprimer le signal d’alerte pour avancer coûte que coûte, vouloir repousser les limites, c’est un peu ce que l’humanité fait avec la Terre. Au lieu d’accepter le fait que les ressources sont limitées et d’adapter ses objectifs de croissance à la réalité, au lieu d’entendre les signaux de détresse de la planète (dérèglement climatique, disparition de certaines espèces, etc), elle cherche à y puiser de nouvelles ressources, encore et encore, en forant de nouveau puits toujours plus profondément, et en subit les conséquences.
Cette course à la croissance est systémique. Avant d’exister à l’échelle de l’humanité, elle existe en chacun∙e de nous, nourrie par notre ego. Aider la Terre, c’est d’abord, à l’échelle individuelle, écouter notre corps, nos limites, nos besoins, et ne pas aller au-delà sous couvert des objectifs que l’on s’est fixés avec « notre tête ». Le travail est avant tout intérieur. « Travailler » sur soi, observer ses schémas, revenir à son vrai Soi, c’est cesser de participer à cette fuite en avant mortifère, déconnectée de la réalité, intenable sur le long terme. Ralentir, se recentrer, se reconnecter à Soi, c’est contribuer activement à changer le monde et à préserver notre belle planète.
Pourquoi ralentir ?
Les effets délétères de notre rythme effréné
Si les progrès techniques et technologiques, l’émergence d’une communication globale et la mondialisation de l’économie ont leurs avantages, ils sont également responsables d’une accélération du rythme dans nos sociétés modernes, avec des conséquences néfastes sur notre santé physique et mentale, sur nos sociétés et sur notre planète. En voici quelques exemples :
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- L’information circulant de plus en plus vite, de nouvelles sollicitations apparaissent sans cesse, créant une surcharge mentale et un climat anxiogène, d’autant que les évolutions technologiques nous permettent d’y être connecté∙e∙s en permanence.
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- La production augmente toujours plus, alimentée par la recherche constante de nouveauté. Cela engendre une pollution croissante, une surconsommation qui dégrade notre environnement (épuisement des ressources, pollution, gaspillage …) mais aussi notre santé physique et mentale (malbouffe, pression sociale et financière …), un accroissement des inégalités …
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- Au niveau personnel, cela conduit à se sentir pressé∙e en permanence, générant du stress et de l’anxiété, et à manquer de temps pour le repos, la détente et les activités favorables à notre bien-être.
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- Au niveau professionnel, les exigences liées à la productivité sont génératrices de risques psycho-sociaux.
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- Au niveau relationnel, la sursollicitation peut conduire à la dégradation du lien car nous pouvons manquer de temps pour entretenir des relations de qualité.
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- Notre qualité de vie et notre bien-être sont impactés par les nombreuses distractions qui nous empêchent d’être réellement présent∙e∙s dans l’instant.
Les avantages de la lenteur
Au niveau individuel
La lenteur permet en premier lieu de réduire le stress et l’anxiété. En faire moins chaque jour, c’est diminuer notre charge mentale et cela peut nous alléger voire nous soulager considérablement.
Ralentir, c’est aussi préserver du temps pour faire « rien » : juste savourer l’instant, sentir, vivre, être. Ce temps de rien a une fonction similaire à la jachère en agriculture : il nous permet de nous régénérer, de nous ressourcer, de nous recentrer, et de laisser émerger du neuf.
En faisant le vide dans notre emploi du temps, nous libérons aussi de l’espace dans notre esprit. Nous sommes disponibles pour recevoir de nouvelles inspirations et nous améliorons notre créativité. Nous retrouvons nos « en-vies » parfois oubliées et nous renouons avec des activités qui nous apportent de la joie.
C’est également l’occasion de redéfinir nos priorités : cesser de s’éparpiller et se focaliser sur ce qui compte vraiment.
Ralentir, c’est aussi prendre le temps de profiter les uns des autres sans penser à ce que nous avons à faire ensuite. Cela permet de partager des moments de qualité qui renforcent le lien.
En somme, ralentir nous permet de mieux apprécier notre vie et améliore notre bien-être.
Ralentir, c’est se choisir.
Au niveau sociétal
Une société qui fait de la lenteur l’une de ses valeurs fondamentales, c’est une société qui remet l’humain au centre.
Ralentir, c’est accepter de repenser notre modèle socio-économique pour trouver le bon équilibre entre développement/progrès/expansion et qualité de vie/solidarité/respect de l’environnement.
Ralentir, c’est dessiner une vision globale de la société que l’on souhaite et la laisser nous guider pour prendre les décisions les plus justes.
Pourquoi courons nous?
Les injonctions de la société moderne
La société moderne est caractérisée par une culture de l’urgence : tout doit être fait rapidement et immédiatement. Cela se fait souvent au détriment de la qualité en raison de nos limites cognitives (plus nous allons vite, plus nous risquons de faire des erreurs) et dégrade nos relations interpersonnelles (nous en venons à objectiver l’individu en le réduisant à sa fonction).
Nous sommes également soumis au culte de la performance : non seulement nous devons faire les choses plus rapidement, mais nous devons aussi en faire toujours plus. Tout est quantifié et comparé, générant une pression inouïe.
Enfin, les nouvelles technologies ont fait de l’hyperconnexion la nouvelle norme. Des sollicitations de plus en plus nombreuses s’invitent ainsi dans notre espace privé. Nous ne disposons plus de notre temps, à moins de décider consciemment de poser des limites claires.
Notre ego
Notre ego veut atteindre des objectifs, faire des choses, avancer, obtenir, gagner, etc. Ce n’est pas un problème en soi s’il reste au service de notre essence. En effet, son énergie d’action peut être utilisée pour réaliser nos aspirations profondes, dans le respect de nos besoins et de nos limites. Cela suppose une écoute profonde.
A contrario, si notre ego est aux commandes de notre vie, il peut nous emmener dans une fuite en avant qui nous décentre et peut nous mettre en danger sur le plan émotionnel mais aussi physique (prise de risques, burn-out …).
Comment ralentir ?
Vivre en conscience
Ralentir suppose d’abord de prendre conscience de notre rythme actuel. Cela demande de faire un pas de recul pour se mettre en position d’observateur de nos comportements.
Ralentir, c’est aussi mettre davantage de conscience sur le moment présent. En effet, quand l’attention est sur le présent, nous ralentissons irrémédiablement. Cette conscience nous permet de rentrer dans une écoute intérieure et de mieux naviguer dans notre vie. Nous faisons des choix conscients plutôt que de nous laisser emmener par nos habitudes qui nous replongent automatiquement dans un rythme effréné.
S’organiser pour ralentir
Outre l’attitude intérieure, ralentir suppose de mettre en place une organisation différente, qui nous évite de replonger dans nos habitudes.
Nous pouvons par exemple créer des espaces de pause dans nos journées, simplifier notre vie, revoir nos priorités et abandonner certaines activités qui ne nous conviennent plus pour faire de la place dans notre agenda.
Nous pouvons aussi cesser de répondre positivement à des sollicitations qui ne nous ne conviennent pas réellement. Cela peut nécessiter d’apprendre à poser ses limites et à dire non aux demandes qui nous semblent excessives, ou encore de désinstaller certaines applications sur notre téléphone qui nous prennent du temps et de l’énergie parfois contre notre gré.
Appliquer la philosophie du « slow living »
Pour avoir plus de pistes d’action, vous pouvez vous renseigner sur la philosophie du « slow living », souvent associée au mouvement Slow Food fondé en Italie dans les années 1980 et qui vise à promouvoir la culture d’une alimentation locale, saine et durable.
Le slow living est une philosophie de vie qui encourage à ralentir le rythme de notre vie quotidienne, à être davantage conscient∙e∙s de nos actions et de notre environnement et à nous concentrer sur ce qui est vraiment important pour nous.
Cette approche prône la réduction du temps passé sur les médias sociaux, la pratique de la méditation, du yoga ou de la respiration consciente, la lecture de livres, les activités créatives, la cuisine « maison » à partir de produits frais, locaux et de saison ou encore le temps passé dans la nature (randonnée, camping, jardinage, promenade…). Elle met également l’accent sur la simplicité, ce qui peut inclure la réduction des possessions matérielles et le gain de temps que cela permet.
Ralentir, c’est vous offrir l’opportunité de mieux apprécier votre vie. Parce que vous le méritez !
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Avec Amour,
Sam